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Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/110

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ses efforts, toute l’ardeur secrète de sa pensée à l’étude d’un petit nombre de points importants. La sincérité qui l’animait, le zèle qui le dévorait, donnaient à sa parole une merveilleuse influence. Seul, entre tous les hommes, il pouvait faire rougir Alcibiade ; le pathétique de ses discours, sans ornements, arrachait des larmes aux auditeurs impressionnables (42). Socrate était un apôtre, brûlant du désir de communiquer à ses concitoyens et, particulièrement à la jeunesse, le feu qui l’embrasait. Son œuvre lui paraissait sainte et, derrière la malicieuse ironie de sa dialectique, se dissimulait la conviction énergique qui ne connaît et n’apprécie que les idées dont elle est préoccupée.

Athènes était une ville pieuse, et Socrate un homme du peuple. Quelque éclairé qu’il fut, sa conception du monde n’en restait pas moins éminemment religieuse. Sa théorie téléologique de la nature, à laquelle il tenait avec ardeur, pour ne pas dire avec fanatisme, n’était pour lui qu’une démonstration de l’existence et de l’action des dieux ; au reste, le besoin de voir les dieux travailler et gouverner à la façon humaine peut être regardé comme la source principale de toute téléologie (43).

Nous ne devons pas trop nous étonner si un pareil homme fut condamné à mort pour athéisme. Dans tous les temps, ce sont les réformateurs croyants qui ont été crucifiés ou brûlés, non les libres-penseurs hommes du monde ; et certes Socrate était un réformateur en religion comme en philosophie. En somme, l’esprit de l’époque réclamait surtout l’épuration des idées religieuses ; non seulement les philosophes, mais encore les principales castes sacerdotales de la Grèce, s’efforçaient, tout en conservant les mythes pour la crédule multitude, de se représenter les dieux avec une essence plus spirituelle, de coordonner et de fondre la diversité des cultes locaux dans l’unité d’un même principe théologique ; on voulait surtout faire reconnaître une prépondérance universelle à des divinités nationales, telles que le Jupiter Olympien