Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/112

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de physique, mais que, sur ce terrain, tout lui avait paru si douteux qu’il avait rejeté comme inutile ce genre de recherches. Conformément à la réponse de l’oracle de Delphes, il regardait comme un point bien plus important, de se connaître soi-même ; or, d’après lui, la connaissance de soi-même conduisait à devenir aussi vertueux que possible.

Laissons de côté la question de savoir si Socrate étudia réellement et avec ardeur les sciences physiques, comme le font entendre les scènes satiriques d’Aristophane. Dans la période de sa vie, que nous connaissons par Platon et Xénophon, il n’est plus question de ce genre d’études. Platon nous apprend que Socrate avait lu beaucoup d’écrits de philosophes antérieurs, sans en être satisfait. Ainsi, un jour qu’il étudiait les œuvres d’Anaxagore, il trouva que ce philosophe attribuait la création du monde à la « raison » ; et conçut une joie extrême à la pensée qu’Anaxagore allait lui expliquer comment toutes les dispositions harmonieuses de la création émanent de cette raison, et lui prouver par exemple que, si la terre avait la forme d’un disque, il en était ainsi pour le mieux ; que, si elle était au centre de l’univers, il en devait être ainsi pour un excellent motif, etc. Mais il fut étrangement désenchanté de voir Anaxagore se borner à parler des causes naturelles. C’était comme si quelqu’un, voulant exposer les raisons de l’emprisonnement de Socrate, se fût contenté d’expliquer, d’après les règles de l’anatomie et de la physiologie, la position du prisonnier sur le lit, où il était assis, au lieu de parler de l’arrêt qui l’avait envoyé en prison et de la pensée qui le décidait à y rester pour attendre l’accomplissement de sa destinée, en dédaignant de fuir (46).

Par cet exemple, on voit, que Socrate avait une idée préconçue, en abordant la lecture des écrits relatifs aux recherches physiques. Il était convaincu que la raison, créatrice du monde, procède comme la raison humaine ; et, tout en lui reconnaissant sur nous une supériorité infinie, il croyait