Aller au contenu

Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/116

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

seulement il déclara qu’on pouvait comprendre la morale, mais il identifia même la vertu pratique avec la connaissance théorique de la morale ; c’était-là son opinion personnelle, et, ici encore, on démontrerait qu’il subit des influences religieuses.

Le dieu de Delphes, qui personnifiait avant tout l’idéal moral, criait à l’homme par l’inscription de son temple : « Connais-toi toi-même ». Cette maxime devint, à deux points de vue, le guide de Socrate dans sa carrière philosophique : d’abord elle l’amena à substituer la science psychologique à la physique qui lui paraissait stérile ; puis à travailler au perfectionnement moral de l’homme à l’aide de la science.

Le relativisme des sophistes devait naturellement répugner aux tendances intellectuelles de Socrate. Un esprit religieux veut avoir des points fixes, surtout en ce qui concerne Dieu, l’âme et les règles de la vie. Pour Socrate, la nécessité de l’existence d’une science morale est donc un axiome. Le relativisme, qui anéantit cette science par ses subtilités, invoque le droit de la sensation individuelle ; pour combattre ce prétendu droit, il faut avant tout établir ce qui est universel et ce qui doit être universellement admis.

Nous avons montré plus haut comment le relativisme lui-même menait aux idées générales, sans qu’on eût besoin pour cela d’en abandonner les principes ; mais alors les idées générales auraient commencé par être prises dans un sens strictement nominaliste. La science aurait pu, dans cette voie, s’étendre à l’infini sans jamais s’élever au-dessus de l’empirisme et de la vraisemblance. Le Socrate de Platon est intéressant à étudier, quand il combat le relativisme de Protagoras ; il débute souvent comme aurait du débuter un vrai disciple des sophistes, s’il avait voulu aborder le problème des idées générales. Mais jamais la discussion n’en reste là ; elle dépasse toujours le but immédiat, pour s’élever aux généralisations transcendantes que Platon a introduites dans la science. Incontestablement la base de cette