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Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/128

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dèle de l’esprit planant dans un poétique essor au-dessus de l’édifice grossier et imparfait de la connaissance scientifique ; et nous avons le droit de nous élever sur les ailes de l’enthousiasme spéculatif aussi bien que de faire usage de toutes les autres facultés de notre esprit et de notre corps. Nous accorderons même à de telles spéculations une haute importance quand nous verrons combien cet élan de l’esprit, qui s’associe à la recherche de l’unité et de l’éternel dans les vicissitudes des choses terrestres, réagit sur des générations entières en les animant et en les vivifiant, et donne même souvent par voie indirecte une nouvelle impulsion aux investigations scientifiques. Cependant il faut aussi qu’une fois pour toutes, l’humanité soit bien convaincue qu’il n’est pas ici question d’une science, mais d’une fiction poétique, dût cette fiction représenter peut-être symboliquement une face vraie et réelle de l’essence des choses, dont l’intuition est interdite à notre intelligence. — Socrate voulut mettre un terme d’individualisme illimité et frayer la voie à la science objective. Mais il n’aboutit qu’à une méthode qui confondait le subjectif et l’objectif, rendait impossible le progrès continu de la connaissance positive, et semblait ouvrir aux fictions et aux fantaisies de l’individu une carrière où l’imagination pouvait franchir toutes les limites. Il y avait cependant des limites posées à cette imagination. Le principe religieux et moral, qui constituait le point de départ de Socrate et de Platon, dirigea le grand travail de la pensée humaine vers un but déterminé. Une pensée profonde, un noble idéal de perfection soutinrent ainsi les efforts et les aspirations morales de l’humanité pendant des milliers d’années, tout en leur permettant de se fondre complètement avec les idées et les traditions d’un génie étranger et nullement hellénique. Aujourd’hui encore l’idéologie, que nous sommes forcés de bannir du domaine de la science, peut, par son importance morale et esthétique, devenir une source féconde en résultats. La forme, terme si beau et énergique par lequel Schiller a