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Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/157

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n’a plus d’objection à faire contre la vérité de ce jugement. Que le fou puisse penser en réalité autrement (pas toujours), cela ne rentre pas dans notre sujet.

Cette réflexion devrait aussi suffire contre Ueberweg, car il n’y a certainement rien qui existe « en soi » dans toute l’acception du mot, aussi réellement que nos idées, d’où tout le reste est déduit. Mais Ueberweg comprend la chose autrement ; ici encore il faut donc répondre différemment au malentendu qui n’existe que dans les mots. Ueberweg ne peut pas appeler la perception d’Épicure « vraie », mais il doit l’appeler « certaine », parce qu’elle est une donnée simple, incontestable, immédiate.

Et maintenant on se demande : cette certitude immédiate des perceptions isolées, individuelles, concrètes, est-elle, oui ou non, le fondement de toute « vérité », même quand on conçoit la vérité à la façon d’Ueberweg ? L’empirisme dira : oui ; l’idéalisme (de Platon, peut-être pas celui de Berkeley), dira : non. Nous reviendrons sur la profondeur de cette opposition. Qu’il nous suffise ici d’éclaircir complètement et par conséquent de justifier les pensées d’Épicure.

D’abord, le point de vue d’Épicure est le même que celui de Protagoras ; aussi commence-t-on par se méprendre quand on croit pouvoir le réfuter en posant cette conclusion : Épicure doit donc admettre comme Protagoras que les assertions contraires sont également vraies. Épicure répond : elles sont vraies, chacune pour son objet. Quant aux assertions contraires, relatives au même objet, elles ne s’y rapportent que de nom. Les objets sont différents ; ils ne sont pas les « choses en soi », mais les images de ces choses. Ces images sont le seul point de départ de la pensée. Les « choses en soi » ne forment pas même le premier degré, mais seulement le troisième, dans le processus de la connaissance (59).

Épicure dépasse Protagoras dans la voie sûre de l’empirisme, car il reconnaît la formation d’images, de souvenirs, qui naissent de la perception répétée, et qui, comparées à