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Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/164

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mythe différaient à peine dans la pensée des Grecs d’alors. Les événements répondent à un pareil théâtre : les dieux interviennent dans chaque phénomène de la nature. Ces êtres, pour lesquels le sens esthétique du peuple créa de si magnifiques types de vigueur et de grâce humaine, étaient partout et nulle part ; leur action dispensait de rechercher la corrélation des causes et des effets. En principe, les dieux ne sont pas tout-puissants, mais on ne connaît pas les limites de leur pouvoir. Tout est possible, et l’on ne peut rien calculer à l’avance. L’argument per absurdum des matérialistes grecs, « alors tout pourrait provenir de tout », est sans effet dans ce monde ; tout provient en effet de tout, car pas une feuille ne peut s’agiter, pas une brume s’élever, aucun rayon de lumière briller, à plus forte raison n’y a-t-il ni éclair ni tonnerre, sans l’intervention d’une divinité. Dans ce monde fantastique, il n’existe pas même un commencement de science.

Chez les Romains, c’était, pis encore, s’il est possible ; d’ailleurs ils avaient reçu des Grecs leur première impulsion scientifique. Toutefois l’étude du vol des oiseaux et surtout des phénomènes de la foudre fit connaître quantité de faits positifs concernant les sciences de la nature. Ainsi la civilisation gréco-romaine ne trouva, à son début, que les premiers éléments insignifiants de l’astronomie et de la météorologie ; pas de trace de physique et de physiologie ; quant à la chimie, on n’en eut pas même le pressentiment. Ce qui se passait était ou quotidien, ou accidentel, ou merveilleux ; mais la science n’y avait que faire. En un mot, on était dépourvu du premier instrument nécessaire à l’étude de la nature : l’hypothèse.

Au terme de la courte et brillante carrière parcourue par la civilisation ancienne, tout est changé. Le principe, en vertu duquel les phénomènes naturels ont leurs lois et peuvent être étudiés, est mis hors de doute. Les voies de la recherche scientifique sont frayées et régularisées. La science positive