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Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/182

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aucune plante ne se conserverait avec les qualités de son espèce.

Cet argument est fondé sur une pensée très-juste : si le néant donnait naissance aux êtres, il n’y aurait pas de raison pour qu’une chose quelconque ne pût naître ; le monde serait alors le jeu continuel, bizarre et incohérent, de la naissance et de la mort de productions grotesques. Au contraire, de la régularité avec laquelle la nature produit au printemps les roses, en été les céréales, en automne les raisins, on conclut que le développement de la création résulte de la combinaison périodique des semences des choses. On doit donc admettre qu’il y a certains éléments communs à beaucoup de choses, comme les lettres sont communes aux mots.

Lucrèce montre de même que rien ne périt, mais que les molécules des corps qui meurent ne font que se clés agréger comme elles s’agrègent lorsque quelque chose prend naissance.

À l’objection naturelle que l’on ne peut voir les molécules qui s’agrègent ou se désagrègent, Lucrèce répond par la description d’une tempête. Pour plus de clarté, il place à côté l’image d’un torrent impétueux et il montre que les molécules invisibles du vent manifestent leur action exactement comme les molécules visibles de l’eau. La chaleur, le froid, le son servent pareillement à prouver l’existence d’une matière invisible. On rencontre une observation encore plus délicate dans les exemples suivants : des vêtements suspendus sur les bords de la mer deviennent humides, puis, si on les place au soleil, ils se sèchent, sans que l’on voie venir ou disparaître les molécules aqueuses. Leur petitesse les rend donc invisibles. Un anneau que l’on porte au doigt pendant des années s’amincit ; une goutte d’eau creuse le roc sur lequel elle tombe ; le soc de la charrue s’use au labour, les pavés, sous les pieds des passants ; quant aux molécules qui disparaissent d’un instant à l’autre, la nature ne nous a pas permis de les voir. Il est également impossible