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Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/185

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Ne parlons point de cette polémique. Le premier livre se termine par la question de la forme de l’univers. Ici Lucrèce, fidèle comme toujours aux enseignements d’Épicure, rejette sans hésitation l’idée que l’univers ait des limites nettement tracées. Supposez une limite extrême, et que, de ce point, une main vigoureuse lance un javelot ; ce javelot sera arrêté par un obstacle dans son vol ou continuera de se mouvoir indéfiniment. Dans l’un et l’autre cas, on voit qu’il est impossible d’assigner des bornes réelles au monde.

Nous trouvons ici l’argument original que, si le monde avait des limites listes, depuis longtemps toute la masse de la matière se serait entassée à la hase de cet espace limité. La conception de la nature, telle que la formule Épicure, présente, dans cette question, un point réellement faible. Ce philosophe combat expressément la gravitation vers le centre, admise par un grand nombre de penseurs de l’antiquité. Malheureusement ce passage du poëme de Lucrèce offre de nombreuses lacunes ; toutefois on y reconnaît bien encore le fond de la démonstration ainsi que l’erreur fondamentale du système. Épicure admet le poids, la pesanteur et la force de résistance comme des propriétés essentielles des atomes. Les penseurs éminents, qui fondèrent le matérialisme dans l’antiquité, ne purent pas entièrement se préserver, sur ce point, des illusions ordinaires des sens ; car bien qu’Épicure enseignât que dans le vide il n’y a ni haut, ni bas, il admettait néanmoins que tous les atomes de l’univers suivent dans leur chute une direction déterminée. Ce n’était pas une tâche facile, en effet, pour l’intelligence humaine que de faire abstraction de la sensation habituelle de la pesanteur. La théorie de antipodes, née depuis longtemps des