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Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/202

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le plus ingénieux des deux, puis remis aux femmes, les hommes se reportant vers les travaux les plus rudes.

Aujourd’hui que le travail des femmes s’introduit pas à pas (et quelquefois brusquement) dans les carrières ouvertes et longtemps exploitées par les hommes seuls, cette pensée nous semble bien plus naturelle qu’elle ne pouvait le paraître aux époques d’Épicure et de Lucrèce où, autant que nous le sachions, ne se produisaient pas encore de semblables révolutions dans des branches entières d’industrie

À l’enchaînement de ces réflexions historiques et philosophiques se trouvent mêlées les pensées du poète sur l’origine des institutions politiques et religieuses. Lucrèce imagine que les hommes distingués par leur habileté et leur courage commencèrent à fonder des villes et à se bâtir des châteaux ; puis devenus rois, ils distribuèrent, à leur gré, des terres et des domaines, aux plus beaux, aux plus vigoureux et aux mieux doués de leurs partisans. Plus tard seulement se produisirent, après la découverte de lier, des inégalités de fortune qui permirent bientôt à la richesse de supplanter la force et la beauté. L’opulence se fait maintenant, elle aussi, des partisans et s’unit à l’ambition. Peu à peu le pouvoir et l’influence sont recherchés par de nombreux compétiteurs. L’envie mine le pouvoir, les rois sont renversés ; et, plus on redoutait leur sceptre auparavant, plus ensuite on le foule aux pieds avec fureur. Puis domine pendant quelque temps la multitude brutale ; et c’est seulement après avoir traversé l’anarchie que la société entre dans un état de choses réglé par les lois.

Les pensées de Lucrèce portent ce caractère de résignation et de répugnance pour toute activité politique qui, dans l’antiquité, était à peu près commun à tous les systèmes matérialistes. De même que le poëte oppose à l’amour des richesses l’économie et la sobriété, de même il est d’avis qu’il vaut mieux obéir tranquillement (quietus) que d’aspirer au pouvoir et de s’emparer d’une couronne royale. On