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Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/245

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entièrement distinctes, l’âme végétative (anima vegetativa), l’âme sensitive (anima sensitiva) et l’âme raisonnable (anima rationalis). L’homme a la première en commun avec l’animal et la plante, et la seconde en commun avec l’animal ; la troisième seule est immortelle et d’origine divine ; seule elle embrasse toutes les facultés intellectuelles, refusées aux animaux (33). De cette distinction naquit chez les dogmatistes chrétiens la différence, admise avec tant de prédilection, entre l’âme et l’esprit, les deux forces supérieures, tandis que l’âme végétative devint plus tard le fondement de la théorie de la force vitale.

Sans aucun doute, Aristote ne séparait que par la pensée ces trois âmes chez l’homme. De même que dans le corps humain la nature animale n’est pas juxtaposée à la nature spéciale de l’homme, mais fondue en elle, de même que le corps humain est dans sa totalité un corps animal de la plus noble espère et pourtant complètement et réellement humain dans sa forme particulière, de même aussi on doit se figurer, d’après ce philosophe, les relations des trois âmes. La forme humaine contient l’essence intellectuelle en soi intimement unie au principe de la sensibilité et de la volonté. De même ce dernier, chez l’animal, se confond déjà entièrement avec le principe de la vie. L’unité n’est supprimée que par la théorie de la raison « séparable », théorie sur laquelle se fonde d’une part le monopsychisme des averroïstes, de l’autre la théorie scolastique de l’immortalité ; mais cette suppression n’a pas lieu sans une évidente violation des principes essentiels du système. Cette unité, d’après laquelle la forme de l’homme, réunissant en elle toutes les formes inférieures, constitue l’âme, fut rompue par les scolastiques. En cela, ils pouvaient, même abstraction faite de la doctrine de la « raison séparable », s’appuyer sur mainte assertion du grand philosophe, dont le système joint partout une extrême indécision dans les détails à la logique la plus serrée dans le développement de cer-