Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/270

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pos dans lequel il présente comme hypothèse l’ensemble de la nouvelle théorie. Copernic ne fut pas complice de ce travestissement. Kepler, animé lui-même d’une fière liberté de pensée, appelle Copernic un homme à l’esprit indépendant : et un tel homme, en réalité, pouvait seul achever ce travail gigantesque (55).

« La terre se meut », telle fut bientôt la thèse qui posa une barrière entre la foi et la science, entre l’infaillibilité de la raison et l’aveugle attachement à la tradition ; et lorsque, après une lutte de plusieurs siècles, on se vit forcé d’abandonner définitivement sur ce point la victoire à la science, cette victoire eut une immense portée : on eût dit que, par un miracle, la science avait réellement mis en mouvement la terre jusqu’alors immobile.

Un des premiers et des plus décidés partisans du nouveau système du monde, l’italien Giordano Bruno, est réellement un philosophe ; et, bien qu’au fond sa doctrine dans son ensemble puisse être regardée comme panthéiste, elle a cependant des rapports si nombreux avec le matérialisme que nous ne pouvons nous soustraire à l’examen détaillé de ses théories.

Tandis que Copernic restait attaché à des traditions pythagoriciennes (56), — plus tard la Congrégation de l’Index alla même jusqu’à déclarer que sa doctrine était purement pythagoricienne (doctrine pythagorica), — Bruno prit Lucrèce pour modèle. Il adopta très-heureusement l’antique théorie épicurienne de l’infinité des mondes ; et, la combinant avec le système de Copernic, il enseigne que toutes les étoiles fixes sont des soleils, dispersés en nombre infini à travers l’espace, ayant leurs satellites comme notre soleil a pour satellite la terre ou la terre, la lune. C’est la une théorie qui, comparée à l’ancienne conception du monde limité, a une importance presque égale à la théorie du mouvement de la terre (57).

« L’infinie variété des formes, disait Bruno, sous les-