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Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/283

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sissables de sympathie et d’antipathie avec d’autres « esprits » de tout genre à demi-sensibles et à demi-immatériels. Chez Descartes, les esprits vitaux sont véritablement de la matière, dans toute la force du mot ; ils sont conçus plus logiquement que les atomes psychologiques d’Épicure, avec leur propriété complémentaire du libre arbitre. Ils se meurent et opèrent le mouvement, tout à fait comme chez Démocrite, exclusivement d’après les lois de la mathématique et de la physique. Un mécanisme de pression et d’impulsion, que Descartes développe avec une grande sagacité, à tous les degrés, forme une chaîne non-interrompue d’effets produits par les objets extérieurs, au moyen des sens, sur le cerveau, et réciproquement sur le monde extérieur, en partant du cerveau, par l’intermédiaire des nerfs et des fibres musculaires.

Cela posé, il est permis de se demander sérieusement si, en définitive, de la Mettrie n’avait point raison de s’appuyer sur Descartes, en plaidant la cause du matérialisme et en affirmant que le rusé philosophe avait cousu à sa théorie une âme, d’ailleurs parfaitement superflue, dans le seul but de ménager la susceptibilité des prêtres (Pfaffen). Si nous n’allons pas aussi loin, c’est que nous en sommes empêchés surtout par l’importance manifeste qui appartient à l’idéalisme dans la philosophie de Descartes. Quelque contestable que soit la démonstration du cogito ergo sum, quelque condamnables que soient les sauts et les contradictions logiques à l’aide desquels cet homme, d’un esprit d’ailleurs si lucide, tâche de construire le monde, sa pensée que toute la somme des phénomènes se réduit aux simples représentations d’un sujet immatériel, n’en a pas moins une importance que Descartes lui-même devait sentir plus que tout autre. Ce qui manque à Descartes a précisément été réalisé par Kant : l’établissement d’une union solide entre une nature conçue dans un sens matérialiste et une métaphysique idéaliste, qui comprend toute la nature comme une simple collection d’apparences phénoménales au sein d’un moi, dont la substance