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Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/291

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religieux ne lui en imposa pas l’impérieuse obligation, il ne franchit jamais les limites d’une spéculation dont les théories les plus hardies sont encore en conformité avec les analogies fournies par l’expérience. Descartes s’éleva à un système qui scinde violemment la pensée et l’intuition des sens et, par là même, ouvre la voie aux assertions les plus téméraires ; Gassendi maintint inébranlable l’unité de la pensée et de l’intuition.

En 1643, il publia ses Disquisitiones anticartesianæ ouvrage regardé, à bon droit, comme le modèle d’une polémique aussi fine, aussi courtoise que solide et ingénieuse. Descartes avait commencé par douter de tout, même de la vérité des données sensibles, Gassendi démontre qu’il est tout simplement impossible de faire abstraction jusqu’au bout de toute donnée sensible, que, par conséquent, le cogito ergo sum n’est nullement la vérité sublime et première, d’où découlent toutes les autres.

Et de fait, ce doute cartésien, que l’on se permet un beau matin semel in vita pour débarrasser l’âme de tous les préjugés dont elle s’est imbue depuis l’enfance, n’est qu’un jeu frivole sur des idées creuses. Dans un acte psychique concret, on ne peut jamais séparer la pensée d’avec les données sensibles ; mais de même que nous calculons avec de simples formules, comme par exemple , sans pouvoir nous représenter cette quantité, de même nous avons parfaitement le droit de regarder le sujet qui doute et même l’acte du doute comme égaux à zéro. Nous n’y gagnons rien, mais nous n’y perdons rien non plus, si ce n’est le temps employé à des spéculations de ce genre.

La plus célèbre objection de Gassendi : on peut déduire l’existence de tout autre acte aussi bien que de l’acte de penser (7), se présente si naturellement qu’on l’a répétée souvent, sans connaître Gassendi et que, non moins souvent, on l’a déclarée superficielle et inintelligible. Selon Büchner, le raisonnement cartésien équivaudrait à celui-ci : le chien