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Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/298

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un courant réactionnaire, la philosophie d’Aristote avait pris un nouvel élan. Le théologien Launoy, homme du reste très-savant et relativement libéral, s’écrie tout stupéfait en entendant exposer les opinions de son contemporain Gassendi : « Si Ramus, Litaud, Villon et Clavius avaient professé ces opinions, que n’aurait-on pas fait à ces hommes-là » (14) !

Gassendi ne périt pas victime de la théologie parce qu’il était destiné à périr victime de la médecine. Un traitement de la fièvre, suivant les procédés de l’époque, lui avait enlevé toutes ses forces. Ce fut en vain qu’il chercha momentanément, dans son pays natal, à se rétablir. Revenu à Paris, il fut de nouveau saisi par la fièvre, et treize nouvelles saignées mirent fin à son existence. Il mourut le 24 octobre 1655, dans la 63e année de son âge.

La réforme de la physique et de la philosophie naturelle, que l’on attribue d’ordinaire à Descartes, est pour le moins autant l’œuvre de Gassendi. Bien des fois, par suite de la célébrité que Descartes doit à sa métaphysique, on lui a directement attribué ce qui appartenait avec plus de justice Gassendi ; il est vrai que le mélange tout particulier d’opposition et d’accord, de lutte et d’alliance entre les deux systèmes faisait que les courants cartésien et gassendiste se confondaient complètement. Ainsi Hobbes, le matérialiste et l’ami de Gassendi, était partisan de la théorie corpusculaire de Descartes, tandis que Newton avait sur les atomes l’opinion de Gassendi. Les découvertes faites plus tard amenèrent la réunion des deux théories ; on laissa subsister côte à côte atomes et molécules, après que les deux idées eurent reçu le développement qu’elles comportaient ; incontestablement l’atomistique actuelle s’est formée, pas à pas, des théories de Gassendi et de Descartes, remontant ainsi par ses origines jusqu’à Leucippe et à Démocrite.