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Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/314

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Si donc un objet change de couleur, durcit ou s’amollit, se morcèle ou se fond avec d’autres parties, la quantité primitive du corps persiste ; mais nous nommons différemment l’objet de notre perception, suivant les sensations nouvelles qu’il offre à nos sens. Admettrons-nous un nouveau corps comme objet de notre perception, ou nous contenterons-nous d’attribuer de nouvelles qualités au corps reconnu antérieurement ? Cela dépend directement de la manière dont nous fixons grammaticalement nos concepts et indirectement de notre caprice, les mots n’étant qu’une monnaie courante. La différence entre le corps (substance) et l’accident est pareillement relative, dépendant de notre conception. Le véritable corps, qui par le mouvement continuel de ses parties, provoque des mouvements correspondants dans l’organe de nos sensations, ne subit en réalité aucune autre modification que celle du mouvement de ses parties.

On doit remarquer ici que, par sa théorie de la relativité de toutes les idées, comme par sa théorie de la sensation, Hobbes dépasse, au fond, le matérialisme, comme Protagoras dépassait Démocrite. Hobbes n’était pas atomiste, nous le savons. Il ne pouvait d’ailleurs pas l’être, vu l’ensemble de ses idées sur l’essence des choses. Comme à toutes les autres idées, il applique la catégorie de la relativité aussi et surtout à l’idée de la petitesse et de la grandeur. Maintes étoiles fixes sont si éloignées de la terre que comparativement, dit-il, la distance de la terre au soleil n’est qu’un point dans l’espace ; ainsi en est-il des molécules que nous regardons comme petites. Il y a donc un infini aussi dans le sens de la petitesse et ce que le physicien regarde comme le plus petit corps, parce qu’il a besoin de cette hypothèse pour sa théorie, est à son tour un monde avec des degrés innombrables de grandeur et de petitesse (30).

Dans sa théorie de la sensation, on voit déjà poindre le sensualisme de Locke. Hobbes admet que le mouvement des choses corporelles se communique à nos sens par l’intermé-