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Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/342

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pesait sur son auteur, il est hors de doute que Locke ne cessa d’approfondir son sujet et s’efforça de rendre son œuvre de plus en plus parfaite.

Une occasion vulgaire, une discussion restée sans résultat entre quelques-uns de ses amis, le détermina, assure-t-il, à étudier l’origine et les limites de l’intellect humain (75) ; c’est dans le même esprit qu’il n’applique à ses recherches que des considérations simples mais décisives. Nous avons encore aujourd’hui en Allemagne de prétendus philosophes qui, avec une sorte de lourdeur métaphysique, écrivent de longues dissertations sur la formation de l’idée, et se vantent même d’avoir fait des « observations exactes, au moyen du sens intime », oubliant que peut-être, dans leur propre maison, il y a des chambres d’enfants ou ils pourraient suivre, avec leurs yeux et leurs oreilles, les détails de cette même formation. L’Angleterre ne produit pas semblable ivraie. Dans sa lutte contre les idées innées, Locke fait appel à ce qui se passe chez les enfants et les idiots. Les ignorants n’ont aucun pressentiment de nos idées abstraites, et l’on ose prétendre qu’elles sont innées ! Objecter que les idées innées sont dans notre esprit, mais à notre insu, constitue suivant Locke une absurdité. On sait en effet précisément ce qui se trouve dans l’esprit. On ne peut dire d’ailleurs que nous avons conscience des idées générales, dès que nous commençons à faire usage de notre intelligence. Bien au contraire, nous commençons par nous approprier les idées particulières. Longtemps avant de comprendre l’idée logique de contradiction, l’enfant sait que ce qui est doux n’est pas amer.

Locke montre que le développement de l’intelligence suit une voie tout opposée. Notre esprit ne renferme pas tout d’abord quelques idées générales que l’expérience complète plus tard par des éléments spéciaux ; c’est au contraire l’expérience, l’expérience sensible, qui est la source première de nos connaissances. En premier lieu les sens nous donnent cer-