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Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/362

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nous n’avions pas fait attention. Mais si, dans cette voie, on veut résoudre complètement une question quelconque, relative à la volonté, le problème de la décision, quand il paraît y avoir parfaite indifférence, en d’autres termes, le cas de l’æquilibrium arbitrii des anciens scholastiques n’est nullement aussi insignifiant que le croit Voltaire. Il faut entièrement écarter cette illusion avant de pouvoir en général appliquer aux problèmes de la volonté les principes scientifiques.

L’attitude de Voltaire dans ces questions ne permet pas de douter de sa parfaite sincérité, quand il recommandait les idées de Newton sur Dieu et la finalité de l’univers. Comment donc, malgré cela, le système de Newton put-il favoriser en France les progrès du matérialisme et de l’athéisme ?

Avant tout, nous ne devons pas oublier ici que la nouvelle conception de l’univers détermina les plus fortes têtes de France à reprendre et à élucider avec le plus vif intérêt toutes les questions qui avaient été soulevées à l’époque de Descartes. Nous avons vu combien Descartes contribua à la conception mécanique du monde, et nous en trouverons bientôt d’autres traces. Mais, au total, l’activité stimulante du cartésianisme était à peu près épuisée au commencement du XVIIIe siècle. Dans les écoles françaises surtout, il n’y avait plus de grands résultats à attendre de ce système, depuis que les jésuites l’avaient énervé et accommodé à leur guise. Ce n’est pas chose indifférente que l’action, sur les contemporains, d’une série de grandes pensées qui possèdent leur fraîcheur initiale ou l’action d’une mixture, dans laquelle ces mêmes pensées sont assaisonnées d’une forte dose de préjugés traditionnels. Ce n’est pas non plus chose indifférente qu’une nouvelle doctrine rencontre telle ou telle disposition des esprits. Or, on peut affirmer hardiment que, pour l’achévement de la conception newtonienne du monde, ne pouvaient se rencontrer intelligences plus aptes ni mieux prédisposées que celles de la France du XVIIIe siècle.