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Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/399

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ses conjectures sous le titre de : Histoire naturelle de l’âme. L’aumônier du régiment donna l’alarme, et bientôt s’éleva contre de la Mettrie un cri général d’indignation. Ses livres furent déclarés hérétiques, et il ne put conserver sa position de médecin de la garde. Malheureusement, vers cette même époque, il s’était laissé entraîner, par affection pour un ami, qui désirait être attaché comme médecin à la personne du roi, à écrire une satire contre ses concurrents, les plus célèbres docteurs de Paris. Des amis de distinction lui conseillèrent de se soustraire à la haine générale, et il se réfugia à Leyde en 1746. Il y écrivit aussitôt une nouvelle satire contre le charlatanisme et l’ignorance des médecins, et bientôt après parut aussi (1748) son Homme-machine (60).

L’Histoire naturelle de l’âme (61) commence par montrer que, depuis Aristote jusqu’à Malebranche, aucun philosophe n’a encore pu nous expliquer l’essence de l’âme. L’essence de l’âme des hommes et des bêtes restera toujours inconnue, de même que l’essence de la matière et des corps. L’âme sans corps est, comme la matière sans forme, une chose incompréhensible. L’âme et le corps ont été formés ensemble et au même instant. Par contre, celui qui veut connaître les propriétés de l’âme doit étudier d’abord les propriétés du corps, dont l’âme est le principe vital.

Cette réflexion conduit de la Mettrie à croire qu’il n’y a de guides sûrs que les sens : « Ce sont là, dit-il, mes philosophes ». Quelque dédain que l’on puisse avoir pour eux, il faut néanmoins toujours y revenir, pour peu que l’on recherche sérieusement la vérité. Examinons donc loyalement et impartialement ce que nos sens peuvent découvrir dans la matière, dans les corps et surtout dans les organismes, sans nous obstiner à voir ce qui n’existe pas ! La matière est passive en elle-même ; elle n’a que la force d’inertie. Ainsi, partout où nous voyons du mouvement, nous devons nécessairement le ramener à un principe moteur. Si, par conséquent, nous trouvons dans le corps un principe moteur, qui fait