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Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/438

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d’Épicure sur l’harmonie de la vie de l’âme ; cependant elle s’élève dans un élan remarquable au-dessus de l’individualisme et fonde les vertus sur l’intérêt de l’État et de la société. Quand nous croyons rencontrer dans le Système de la nature une inspiration frivole, il s’agit bien moins, au fond, d’un trait léger et superficiel dirigé contre la morale, — ce qui serait réellement frivole, — que de la complète méconnaissance de la valeur morale et intellectuelle des institutions du passé, spécialement de l’Église et de la révélation. Cette méconnaissance est, d’un côté, un résultat du manque de sens historique propre au XVIIIe siècle ; d’un autre côté, elle se comprend aisément chez une nation qui, comme la France d’alors, n’avait pas de poésie originale, car de cette source vitale jaillit tout ce qui, pour exister et agir, emprunte sa force à l’essence la plus intime de l’homme, et n’a pas besoin de se justifier par le raisonnement scientifique. C’est ainsi que, dans le célèbre jugement de Gœthe sur le Système de la nature, la critique la plus profonde s’associe à la plus grande injustice, par l’effet de la conscience naïve que le poète a de son activité et de ses création originales, et trahit enfin l’opposition grandiose de la vie intellectuelle de l’Allemagne rajeunie en face de l’apparente « décrépitude » de la France.

Le Système de le nature se divise en deux parties, dont la première contient les principes généraux du système et l’anthropologie ; la seconde, la théologie, si toutefois l’on peut encore employer cette expression. Dès la préface, on voit que le véritable but de l’auteur est de travailler au bonheur de l’humanité.

« L’homme n’est malheureux que parce qu’il méconnaît la nature. Son esprit est tellement infecté de préjugés, qu’on le croirait pour toujours condamné à l’erreur : le bandeau de l’opinion, dont on le couvre dès l’enfance, lui est si fortement attaché, que c’est avec la plus grande difficulté qu’on peut le lui ôter. Il voulut, pour son malheur, franchir les bornes de sa sphère ; il tenta de s’élancer au delà du monde