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Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/455

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prouver que tout dans ce monde n’est qu’une illusion chimérique, que l’univers entier n’existe que dans nous-mêmes et dans notre imagination, et qui rend l’existence de toutes choses problématique à l’aide de sophismes insolubles pour tous ceux qui soutiennent la spiritualité de l’âme ? » D’Holbach a oublié d’exposer comment ceux qui ne sont point passionnés pour l’existence d’une âme immatérielle peuvent triompher de Berkeley ; et il avoue, dans une note, que ce système, le plus extravagant de tous, est aussi le plus difficile à réfuter (90). Le matérialisme prend obstinément le monde des sens pour le monde réel. Quelles armes a-t-il contre celui qui attaque ce point de vue naïf ? les choses sont-elles comme elles paraissent être ? existent-elles même, à vrai dire ? Ce sont là des questions qui reviennent éternellement dans l’histoire de la philosophie, et auxquelles l’époque actuelle peut seule donner une réponse à demi satisfaisante, qui, assurément, n’est en faveur d’aucune des deux conceptions extrêmes.

D’Holbach s’occupa de bases de la morale avec une ardeur remarquable et certainement sincère. Il est vrai qu’on trouvera difficilement chez lui une pensée qui n’ait déjà été émise par de la Mettrie ; mais ce que celui-ci a jeté au hasard, négligemment, au milieu de réflexions frivoles, nous le retrouvons, chez d’Holbach, épuré, coordonné, achevé d’une manière systématique, sévèrement dégagé de toute bassesse et de toute trivialité. Comme Épicure, d’Holbach donnait pour but aux efforts de l’humanité la félicité durable, non le plaisir éphémère. Le Système de la nature renferme aussi un essai destiné à fonder la morale sur la physiologie. À cet essai se joint un éloge énergique des vertus civiques.

« Si l’on consultoit l’expérience au lieu du préjugé, la médecine fourniroit à la morale la clef du cœur humain, et en guérissant le corps, elle seroit quelquefois assurée de guérir l’esprit. » Vingt ans plus tard seulement, l’illustre Pinel, médecin de l’école de Condillac, fonda la psychiatrie