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Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/462

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Combien pourtant les extrêmes se touchent souvent ! Le même chapitre, où d’Holbach adjure ses lecteurs de délivrer à jamais l’humanité du fantôme de Dieu et de ne plus prononcer même son nom, renferme un passage qui représente le penchant de l’homme pour le merveilleux comme si universel, si enraciné, si irrésistible, qu’il n’est plus possible de le regarder comme une maladie passagère du développement de l’humanité ; il faut au contraire admettre formellement une chute de l’homme par le péché, mais dans un sens inverse à la tradition, afin d’éviter la conclusion que cet amour du merveilleux est aussi naturel à l’homme que la passion pour la musique, les belles couleurs et les belles formes, et qu’il est impossible de résister à la loi de la nature, qui fait qu’il en est ainsi.

« C’est ainsi que les hommes préfèrent toujours le merveilleux au simple, ce qu’ils n’entendent pas à ce qu’ils peuvent entendre : ils méprisent les objets qui leur sont familiers et n’estiment que ceux qu’ils ne sont point à portée d’apprécier : de ce qu’ils n’en ont que des idées vagues, ils en concluent qu’ils renferment quelque chose d’important, de surnaturel, de divin. En un mot, il leur faut du mystère pour remuer leur imagination, pour exercer leur esprit, pour repaître leur curiosité qui n’est jamais plus en travail, que quand elle s’occupe d’énigmes impossibles à deviner. »

Dans une note relative à ce passage, d’Holbach fait remarquer que plusieurs peuples passèrent d’une divinité compréhensible, le soleil, à une divinité incompréhensible. Pourquoi ? Parce que le dieu inconnu, le plus caché, le plus mystérieux, plaît toujours à l’imagination plus qu’un être visible. Toutes les religions ont donc besoin de mystères, et c’est là le secret des prêtres. — Voilà de nouveau les prêtres en cause alors qu’il serait peut-être plus logique de conclure que cette classe est née primitivement et naturellement du besoin que le peuple éprouvait d’avoir des mystères et que, malgré le progrès de ses lumières, elle comprend qu’elle ne peut élever