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Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/474

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autres. Le théologien peut, et l’occasion, très-bien utiliser l’idée d’une harmonie éternelle, grandiose et divine de tout ce qui arrive. Il tire habilement parti de l’idée que les lois de la nature ne sont qu’une pure apparence, une humble méthode de connaître à l’usage de l’intelligence empirique, tandis qu’il se débarrasse aisément des conséquences de cette conception du monde, dès qu’elle se retourne contre les propres théories qu’il enseigne. En effet, ces conséquences ne sont contenues qu’en germe dans le principe leibnitzien, et l’homme qui se nourrit quotidiennement de contradictions de toute espèce n’est troublé que par des contradictions sensibles et palpables. Ainsi la démonstration de l’immatérialité et de la simplicité de l’âme fut une merveilleuse trouvaille entre toutes pour les fossoyeurs philosophiques, dont la vocation est de rendre une idée originale inoffensive en la recouvrant des débris et des décombres des idées de la vie quotidienne. On ne se préoccupa nullement de ce que cette immatérialité éliminait hardiment pour toujours, et plus nettement que le matérialisme n’aurait pu le faire, l’antique opposition entre l’esprit et la matière. On tenait une démonstration de l’immatérialité, cette idée magnifique et sublime, de la main même du grand Leibnitz ! Quels regards de mépris on pouvait lancer de cette hauteur sur la folie de ceux qui déclaraient l’âme matérielle, et qui souillaient leur conscience d’une pensée si dégradante !

Il en était de même de l’optimisme si vanté, si combattu, du système de Leibnitz. Examiné à la lumière de la raison et jugé d’après ses hypothèses et ses conséquences vraies, cet optimisme n’est que l’application d’un principe de mécanique à l’explication de la réalité matérielle. Dans le choix du meilleur des mondes possibles, Dieu ne fait rien qui ne puisse aussi s’effectuer mécaniquement, si on laisse les « essences » des choses agir les unes sur les autres comme autant de forces. En cela, Dieu procède comme un mathématicien qui résout (97) un problème minimum ; et il faut