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Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/491

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appartiennent à la sphère des idées de sa jeunesse, n’ont pas grande importance. Elles nous prouvent seulement que lui et ses jeunes confrères en littérature ne voyaient dans cet écrit que « la quintessence de la sénilité, insipide et même dégoûtante ». On réclamait la vie pleine, entière et telle qu’un ouvrage théorique et polémique ne pouvait ni ne devait la donner ; on demandait au travail du rationalisme le contentement de l’âme, que l’on ne rencontre que dans le domaine de la poésie. On ne songeait pas que, quand même l’univers constituerait le chef-d’œuvre le plus sublime, ce serait toujours autre chose d’analyser les éléments qui le composent et de jouir de sa beauté dans une vue d’ensemble. Que devient la beauté de l’Iliade quand on épelle ce poème ? Or d’Holbach s’était imposé la tache d’épeler, à sa manière, la science la plus nécessaire. Il ne faut donc pas s’étonner que Gœthe terminât son arrêt en disant : « Quelle impression de creux et de vide nous éprouvions dans cette triste demi-nuit de l’athéisme, où disparaissaient la terre avec toutes ses créatures, le ciel avec toutes ses constellations ! Il y aurait donc une matière mue de toute éternité, et par ses mouvements à droite, à gauche, dans toutes les directions, elle produirait, sans façon, les phénomènes infinis de l’existence. Encore nous serions-nous résignés à tout cela, si l’auteur, avec sa matière en mouvement, avait réellement construit le monde sous nos yeux. Mais il paraissait ne pas connaître la nature mieux que nous ; car, après avoir jalonné sa voie de quelques idées générales, il les quitte aussitôt pour transformer ce qui semble plus élevé que la nature ou apparaît comme une nature supérieure dans la nature, en une nature matérielle, pesante, dépourvue de forme et sans direction propre, et il se figure avoir ainsi beaucoup gagné. »

D’un autre côté, la jeunesse allemande ne pouvait faire sans doute aucun usage des arguments de la philosophie universitaire, qui établissent « qu’aucune matière ne peut penser. » « Si toutefois, continue Gœthe, ce livre nous a fait