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Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/513

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humains ; or, quand nous agissons, nous sommes immédiatement et réellement en face de l’objet ; nous sommes obligés de le reconnaître sans hésitation tel qu’il s’offre à nos sens et nous n’avons pas le temps de douter de son existence ; il se prouve lui-même en agissant sur nous et en subissant notre action sur lui ; or le sujet et l’objet de ces influences sont toujours des corps et même l’action sur l’homme intérieur se manifeste d’abord sous une terme corporelle, la voix, le geste, etc. Les influences immatérielles ne se laissent pas saisir par notre expérience immédiate. » Voir Ibid., p. 325 et suiv. où Zeller compare avec beaucoup de justesse la morale des stoïciens à leurs théories sur la prédominance absolue de la volonté divine dans le monde ; mais, dans la morale stoïcienne, le matérialisme découle aussi simplement de la prépondérance des intérêts pratiques. En réalité, le matérialisme panthéistique ou mécanique était, dans un sens plus large, pour les anciens, une conséquence presque inévitable de leur strict monisme et déterminisme ; car l’idéalisme d’un Descartes, d’un Leibnitz ou d’un liant était encore loin de leur idée.

58 [page 97]. Quant aux écarts d’Épicure, en ce qui concerne la doctrine de Démocrite, nous renvoyons soit à ce que nous avons dit plus haut, p. 19 et suiv., de ce dernier philosophe, soit aux extraits que nous donnerons du poème didactique de Lucrèce et aux questions spéciales qui s’y rattachent.

58 bis [page 100]. Ueberweg, Grundriss, 4e éd., l, p. 220.

59 [page 101]. Zeller, 2e éd., III, 1, p. 365 et suiv. regarde ce point comme une « difficulté » qu’Épicure ne paraît guère s’être préoccupé de résoudre. Un peut donc s’étonner de l’assertion que, dans le système de Protagoras, les illusions des sens deviennent impossibles et, pourtant bientôt après, Zeller remarque avec justesse que l’illusion ne git pas dans la perception, mais dans le jugement. L’œil, par exemple, qui regarde un bâton plongé dans l’eau, le voit brisé. Or cette perception est vraie et incontestable (voir ce qui est dit dans le texte contre Ueberweg), elle est aussi la base essentielle de la théorie de la réfraction de la lumière qui n’aurait jamais été trouvée sans ce phénomène. Le jugement, d’après lequel le bâton considéré comme chose objective serait brisé et apparaîtrait tel hors de l’eau, est faux sans doute, mais il est très-facile de le rectifier au moyen d’une deuxième perception. Si les perceptions n’étaient pas toutes absolument vraies en elles-mêmes et la base de toutes les connaissances ultérieures, on pourrait penser à en annuler une sur deux comme nous rejetons purement et simplement une opinion erronée. Mais on voit sans peine qu’il n’en est pas ainsi. Même les illusions des sens, encore inconnues des anciens, à la suite desquelles un jugement erroné, une induction délictueuse, se mêle immédiatement en la modifiant à la perception, sans que nous en avions conscience ; ainsi