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Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/97

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car, chez l’homme vulgaire, elles ne reposent pas sur une méditation abstraite : elles sont le produit de l’éducation et constituent le patrimoine intellectuel transmis par de nombreuses générations. Toutefois l’expérience paraît nous apprendre jusqu’ici que toute morale matérialiste, quelque pure qu’elle puisse être d’ailleurs, agit comme facteur dissolvant, surtout dans les périodes de transformation et de transition, tandis que toutes les révolutions, toutes les rénovations importantes et durables ne triomphent qu’à l’aide de nouvelles idées morales.

Ce sont des idées nouvelles de ce genre que Platon et Aristote apportèrent dans l’antiquité ; mais elles ne purent ni pénétrer dans le peuple, ni s’approprier les antiques formes de la religion nationale. Ces conceptions de la philosophie hellénique n’en eurent, par la suite, qu’une influence plus profonde sur le développement du christianisme au moyen âge.

Lorsque Protagoras fut chassé d’Athènes pour avoir commencé son livre sur les dieux par les mots : « Quant aux dieux, j’ignore s’ils sont ou ne sont pas », il était trop tard pour sauver les intérêts conservateurs en faveur desquels Aristophane avait inutilement employé l’influence du théâtre ; même la condamnation de Socrate ne pouvait plus arrêter le mouvement des esprits.

Dès l’époque de la guerre du Péloponèse, peu après la mort de Périclès, la grande révolution, commencée surtout par les sophistes, avait transformé complètement la vie des Athéniens.

L’histoire n’offre point d’exemple d’une aussi prompte dissolution ; aucun peuple ne vécut aussi rapidement que celui d’Athènes. Quelque instructive que puisse être cette évolution historique, il faut se garder d’en déduire de fausses conséquences.

Aussi longtemps qu’un État maintient ses antiques traditions et ne se développe qu’avec une sage modération, comme Athènes avant Périclès, tous les citoyens se sentent unis pour