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Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/10

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jourd’hui, de notre part, une justification ou simplement une explication que lors de la publication de notre première édition, il y a environ huit ans. Il est vrai qu’alors la retraite des philosophes romantiques de notre Allemagne était depuis longtemps décidée. De même qu’une armée vaincue cherche autour d’elle, du regard, un point avantageux, où elle puisse se rallier et se reformer en ordre ; de même, dans le monde philosophique, on entendait ce cri de ralliement : « Revenons à Kant ! » Mais c’est seulement dans ces dernières années qu’on est revenu sérieusement à lui ; et l’on a dû se convaincre que le point de vue, où s’est placé le grand philosophe de Kœnigsberg, n’a encore jamais pu, en toute justice, être considéré comme dépassé ; il est au contraire indispensable de pénétrer dans les profondeurs du système de Kant, à l’aide des études sérieuses, dont jusqu’ici, entre tous les philosophes, on n’a guère honoré que le seul Aristote.

Des malentendus et la passion d’écrire se sont donné la main pour franchir, à l’époque d’un riche mouvement intellectuel, les rigoureuses limites que Kant avait imposées à la spéculation. Le calme, qui suivit l’ivresse métaphysique, invitait d’autant plus à reprendre la position prématurément abandonnée, que l’on se retrouvait en face du matérialisme, qui, à l’apparition de Kant, avait disparu sans presque laisser de traces. — Aujourd’hui, non-seulement nous avons une jeune école de kantistes (1), dans les sens le plus étroit et le plus large, mais encore ceux qui veulent prendre d’autres directions se voient forcés de régler, en quelque sorte, leurs comptes avec Kant et de motiver sérieusement leurs divergences. Même le mouvement quelque peu artificiel en faveur de la philosophie de Schopenhauer, d’une part, a pris naissance dans un entraînement analogue, et formé, d’autre part, pour les hommes les plus judicieux, une transition vers Kant. Il faut ici faire ressortir particulièrement l’accueil empressé des naturalistes, qui, trouvant le matérialisme in-