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Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/101

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aussi le côté idéaliste de cette philosophie du sensible.

L’être est un secret de l’intuition, de la sensation, de l’amour. — Dans la sensation seule, dans l’amour seul, « ceci » — cette personne, cette chose — c’est-à-dire l’individuel a une valeur absolue ; c’est là que se trouvent le fini et l’infini ; — c’est en cela, en cela seulement que consistent la profondeur infinie, la divinité et la vérité de l’amour. Dans l’amour seul, le Dieu, qui compte les cheveux de la tête, est vérité et réalité. » « Les sensations humaines n’ont pas de valeur empirique, anthropologique, dans le sens de l’ancienne philosophie transcendantale ; elles ont une valeur ontologique, métaphysique ; c’est dans les sensations, même dans les sensations quotidiennes, que sont cachées les vérités les plus profondes et les plus sublimes. Ainsi l’amour est la véritable preuve ontologique de l’existence d’un objet hors de notre tête — et il n’y a pas d’autre preuve de l’existence que l’amour, la sensation — en général. Ce dont l’existence procure la joie, dont la non existence produit la souffrance, cela seul existe » (52).

Feuerbach aussi a certainement fait assez de réflexions ultérieures pour ne pas rejeter comme impossible par exemple l’existence d’êtres vivants et pensants dans Jupiter ou dans un système lointain d’étoiles fixes. Si néanmoins toute la philosophie est conçue de telle sorte que l’homme soit l’unique, absolument l’unique être imaginable d’un sensible développé et intellectuel, c’est là naturellement se limiter soi-même à dessein. Feuerbach est, en cela, hégélien et, comme Hegel, il adopte au fond la thèse du vieux Protagoras, d’après laquelle l’homme est la mesure des choses. Pour lui est vrai ce qui est vrai pour l’homme, c’est-à-dire ce qui est saisi à l’aide des sens humains. Il déclare donc que les sensations ont une valeur non-seulement anthropologique, mais encore métaphysique, c’est-à-dire qu’on doit les considérer non-seulement comme des phénomènes naturels dans l’homme, mais encore comme