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Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/123

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telle ou telle question ; mais à cette sagacité succèdent parfois des trivialités presque inconcevables. Ainsi par exemple, dans Force et Matière de Büchner, la plus grande partie du chapitre « de la pensée » est un modèle de dialectique circonspecte ; ce n’est, à vrai dire, qu’un fragment, car l’excellente critique de la fameuse assertion de Vogt sur les rapports de la pensée avec le cerveau, conclut au dualisme complet de la force et de la matière, dualisme qui n’aboutit ensuite à aucune tentative de conciliation mais disparaît simplement sous la rapide succession des phrases.

« La pensée, l’esprit, l’âme, dit Büchner, ne sont rien de matériel ; ils ne sont pas même de la matière, mais un ensemble de forces diverses converti en unité, l’effet du concours de plusieurs matières douées de forces ou de propriétés. » Il compare cet effet à celui d’une machine à vapeur, dont la force est invisible, inodore et insaisissable, tandis que la vapeur dégagée est chose secondaire et n’a rien à faire avec le « but de la machine ». Une force quelconque ne peut être « révélée » ou, comme disait la première édition, avec beaucoup plus de logique et de suite dans les idées, « construite idéalement » que d’après ses manifestations. La force et la matière sont inséparables, mais la pensée établit une grande distance entre l’une et l’autre ; « elles vont même jusqu’à se nier l’une l’autre ». « Du moins nous ne saurions comment définir l’intelligence et la force si ce n’est comme immatérielles, excluant naturellement la matière ou lui étant opposées. »

Il n’en faut pas davantage au spiritualiste le plus croyant pour fonder tout son édifice sur cette base et l’on peut ici de nouveau voir clairement combien peu est justifiable l’espoir que la seule propagation de la conception matérialiste de la nature, aidée de toutes les connaissances qui lui servent de support, extirpera un jour les idées religieuses ou superstitieuses, vers lesquelles l’homme penche par des