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Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/164

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S’il reste quelque chose d’  « incompréhensible », le matérialisme peut bien encore être une excellente formule d’étude de la nature (ce qu’il est en effet, suivant nous), mais il n’est plus une philosophie. D’autres doctrines, notamment le scepticisme, peuvent adopter l’incompréhensible et même en faire la base de leur système ; mais le matérialisme est, par son essence, une philosophie positive, qui expose ses théories fondamentales avec une assurance toute dogmatique et qui, entre autres affirmations importantes, prétend pouvoir faire comprendre sans peine l’ensemble de l’univers. Nos matérialistes actuels ont beau être portés, comme nous l’avons vu dans le chapitre précédent, à des velléités de scepticisme et de relativisme ; ils ont beau parler de l’incompréhensibilité des causes dernières de tout être, ou représenter le monde tel qu’il apparaît à l’homme, comme le seul objet de la recherche scientifique en élaguant la question qu’il pourrait y avoir une autre conception des choses, — ils n’en affirment pas moins que le monde spirituel est compréhensible, parce qu’une des tâches principales que s’impose le matérialisme, c’est d’expliquer complètement par les fonctions de la matière l’activité de l’âme aussi bien chez les animaux que chez l’homme.

Il y a ici un grand malentendu, comme nous l’avons suffisamment expliqué dans notre premier volume. Mais nulle part nous n’en trouvons une preuve plus palpable que dans la polémique qui s’est élevée contre Du Bois-Reymond, dans l’intérêt du système matérialiste. On peut en réalité dire de ses adversaires ce que Kant disait de ceux de Hume (voir plus haut, p. 48) « Ils admettaient toujours comme constaté ce qu’il révoquait en doute, tandis qu’ils démontraient avec vivacité et le plus souvent avec une grande arrogance ce dont il ne s’était jamais avisé de douter. »

C’est une remarque que l’on peut faire surtout chez le médecin aliéniste docteur Langwieser, qui, dans une petite brochure (Vienne, 1873), a parlé des Limites de la connais-