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Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/173

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connaissance immédiate des sensations d’autrui et qu’il n’a aucune idée du mode dont la sensation et la conscience naissent des mouvements matériels. Sur ce point, il prononcerait placidement son ignorabimus avec Du Bois-Reymond malgré cela, il serait le plus partait des psychologues que nous puissions imaginer ; et la psychologie, comme science, ne pourra jamais être pour nous autre chose qu’un fragment de la connaissance que ce génie possède déjà dans toute sa plénitude.

Mais si l’on y regarde de près, on verra qu’il en est exactement de même pour toutes les sciences sans exception, en tant qu’il ne s’agit pas d’une pure apparence de savoir. Dans un certain sens, tout est connaissance de la nature ; car toute notre connaissance a pour but l’intuition. C’est sur l’objet seul que notre connaissance s’oriente par la découverte de lois fixes ; c’est dans notre sujet que nous prenons les moyens d’expliquer et d’animer les formes diverses, en tant que nous les rapportons à la vie spirituelle. La connaissance immédiate du spirituel réside uniquement dans notre conscience ; mais quiconque, avec la conscience seule, sans être guidé par l’objet, voudra construire une science, se trompera lui-même inévitablement.

S’il en est ainsi, quelle importance attacher à la preuve que la connaissance de la nature a des limites ? Le caractère méthodologique de ce qu’on appelle « les sciences de l’esprit » a beau différer de celui des sciences physiques, Du Bois-Reymond ne les en a pas moins réunies dans son idéal des sciences de la nature, en tant qu’elles reposent sur un savoir réel et non sur l’imagination seule (4). On pourrait croire que, par là, le triomphe du matérialisme est décidé, et que les remercîments adressés par les adversaires de cette doctrine à la courageuse « profession de foi » du célèbre physiologiste, n’ont plus de raison d’être. Mais si l’on se rappelle notre chapitre sur Kant, on trouvera aisé-