Aller au contenu

Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/190

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

générales sur la connexion des choses et se cramponner obstinément aux faits isolés, à ceux que l’on peut expliquer par les sens. De même que l’esprit de l’homme ne trouve son plaisir suprême, bien au delà du domaine des vérités scientifiques, que dans les idées qu’il fait sortir des profondeurs créatrices de son âme, de même il ne peut se consacrer avec succès au travail âpre et sérieux de l’investigation scientifique, sans, pour ainsi dire, se reposer dans l’idée, dans la pensée universelle et y puiser une vigueur nouvelle. Les idées de genres et les lois nous servent, d’un côté, comme Helmholtz l’a prouvé très-judicieusement, de moyens mnémoniques, de récapitulation pour une somme d’objet set d’événements qui, sans cela, se prolongeraient à perte de vue ; d’un autre côté ce résumé, qui ramène à l’unité la multiplicité des phénomènes, répond au penchant synthétique qui caractérise notre entendement, avide d’unité dans toutes ses études il nous faut, dans la conception d’ensemble du vaste univers, comme dans les détails les plus simples, des idées qui résument une multitude d’objets. Nous n’attribuerons plus aujourd’hui au général, comparé au particulier, comme faisait Platon, une réalité plus vraie et une existence indépendante de notre pensée ; mais dans l’intérieur de notre subjectivité, ce sera pour nous plus que le simple lien de fer qui réunit les faits.

Et ces besoins subjectifs de notre nature ont aussi leur importance pour le savant ; car il n’est pas simplement une machine à découvertes, mais un homme, chez qui toutes les facultés constitutives de l’essence humaine agissent avec une indissoluble unité. Mais ici nous retrouvons l’opposition du matérialisme. La même tendance d’esprit qui, d’une part, conduit à transformer en un dogme rigide les grandes hypothèses sur le substratum des phénomènes, est hostile, d’autre part, à la coopération des idées dans l’étude de la nature. Nous avons vu comment le matérialisme resta stérile dans l’antiquité, parce qu’il s’en tenait, avec une intraitable fixité,