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Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/192

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l’expérience. Ses atomes sont de petits corpuscules. Il est vrai que l’on ne peut pas se les représenter aussi petits qu’ils sont, cela dépasse toute représentation humaine ; on peut cependant se les représenter comparativement, comme si on les voyait et sentait. Toute la conception de l’univers est réalisée, pour le matérialiste, au moyen des sens et des catégories de l’entendement. Mais précisément ces organes de notre esprit sont éminemment de la nature des choses. Ils nous donnent les choses, bien que pas la chose en soi. Une philosophie plus profonde découvre que ces choses sont nos propres représentations ; mais elle ne peut empêcher la classe de ces représentations, qui ont rapport aux choses par l’intermédiaire de l’entendement et du sensible, d’avoir précisément les plus grandes fixité, sûreté et régularité, et, par suite, probablement aussi la plus étroite connexion avecun monde extérieur, dirigé par des lois éternelles.

Le matérialisme aussi fait de la poésie, quand il se représente les éléments du monde des phénomènes ; mais il fait de la poésie du genre le plus naïf, sous la direction des sens. En s’attachant continuellement à ceux des éléments de notre connaissance qui ont les fonctions les plus régulières, il possède une source intarissable de règles infaillibles, une protection contre l’erreur et les inventions de l’imagination, et un sens droit pour le langage des choses.

Mais en même temps il est puni par le contentement placide que lui donne le monde des phénomènes, et qui lui fait confondre en un tout indissoluble les impressions des sens et la théorie. De même qu’il n’éprouve pas le désir de franchir l’apparente objectivité des phénomènes sensibles, il ne ressent pas davantage l’envie d’arracher aux choses, par des questions paradoxales, un langage entièrement nouveau, ni de recourir à des expériences qui, au lieu de viser à un simple perfectionnement de l’édifice de la connaissance dans les détails, renversent au contraire la conception dominante et ouvrent des perspectives toutes nouvelles sur