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Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/210

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de la connaissance, que seule la démonstration logique de l’évidence sensible est en état de garantir notre connaissance du jeu, bien plus dangereux encore, qui se fait avec des mots. Une conception bien exprimée, même quand elle est matériellement fausse, sert souvent d’image sur une large échelle et remplace momentanément la conception exacte ; elle est toujours retenue dans de certaines limites par les lois de notre sensibilité elle-même, qui ne sont pas sans rapport avec les lois du monde objectif des phénomènes ; au contraire, dès que l’on opère avec des mots, auxquels ne correspondent même pas des concepts clairs, à plus forte raison pas de représentations sensibles, c’en est fait de toute saine connaissance, et il se produit des opinions qui n’ont aucune valeur comme degrés menant à la vérité et doivent être purement et simplement éliminées à leur tour. L’emploi des données de l’imagination pour le classement de nos pensées sur les faits matériels est donc réellement plus qu’un simple jeu, même lorsqu’on hésite encore généralement, que l’on tâtonne et fait preuve d’incertitude, comme à cette époque de la chimie naissante. En revanche, lorsque ces tâtonnements cessent, quand il s’est formé un sentier solide, bien frayé et conduisant, pour le moment, droit à un résultat positif, l’imagination est loin de nous garantir l’exactitude de nos hypothèses.

Avec une netteté exemplaire, Kekulé essaya, dans son Traité de chimie organique (1861), de rappeler aux chimistes qu’il existe une limite entre l’hypothèse et la réalité. Il montre queles nombres proportionnels des poids de combinaison ont la valeur de faits et que l’on peut sans crainte considérer les lettres des formules chimiques comme la simple expression de ces faits. « Mais si l’on attribue aux lettres des formules une autre signification, si l’on y voit l’expression des atomes et des poids d’atomes des éléments, ainsi que cela se fait d’ordinaire aujourd’hui, on peut se demander quelle est la grandeur ou la pesanteur (rela-