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Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/23

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sans qu’il en ait conscience », de telles réponses n’ont pas besoin d’être réfutées, par cela seul que jusqu’ici en réalité la métaphysique n’a fait que tâtonner. Si l’on pouvait prouver que, sur la base de pareilles théories, s’élève une science réelle qui, d’une marche sûre, se développe de plus en plus, au lieu de toujours recommencer à nouveau, on pourrait peut-être se résigner à l’absence de fondements plus solides, comme en mathématique on s’est jusqu’ici contenté d’admettre les axiomes sans pouvoir les démontrer ; mais, dans les conditions actuelles, toute construction ultérieure de la métaphysique sera inutile, tant qu’il ne sera pas établi que l’édifice, quel qu’il soit, repose sur un fondement solide.

Les sceptiques et les empiriques feront cause commune, et ils pourront résoudre la question posée par un : en aucune façon ! S’ils réussissent à démontrer la vérité de leur négation, ils resteront, dans leur étroite alliance, pour toujours les maîtres du terrain de la philosophie. C’en serait fait alors pareillement du matérialisme dogmatique, qui fonde ses théories sur l’axiome de la compréhensibilité du monde, et qui ne voit pas que cet axiome n’est au fond que le principe de l’ordre dans les phénomènes ; mais le matérialisme peut renoncer à la prétention d’avoir démontré les causes dernières de tous les phénomènes. Il renoncera donc alors, lui aussi, à son essence première ; mais, par son alliance avec le scepticisme et l’empirisme formel, il menacera d’autant plus sérieusement d’anéantir désormais tous les autres efforts philosophiques. Ici Kant appelle à son secours un allié formidable, la mathématique.

Hume, qui révoquait en doute tous les jugements supérieurs à l’expérience, avait un scrupule : deux lignes droites, disait-il, ne pourraient-elles pas avoir en commun, en formant un angle infiniment petit, un segment d’une certaine étendue, au lieu, comme la mathématique le veut, de ne se couper que sur un seul point ? Hume reconnaissait cependant la force de démonstration de la mathématique et croyait l’expliquer