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Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/366

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lement de petits hommes dont chacun, comme cela arrive aussi dans de véritables parlements, ne possède qu’une idée, qu’il cherche continuellement à faire valoir.

Au lieu d’une âme, la phrénologie nous en donne près de quarante, chacune aussi énigmatique en soi que la vie de l’âme au reste nous apparaît d’ordinaire en son entier. Au lieu de la décomposer en éléments réels, elle la décompose en êtres personnels de caractères différents. L’homme, l’animal, les machines les plus compliquées nous sont les plus familiers ; on oublie qu’il y a là une explications donner ; ou l’on ne comprend bien la chose que lorsqu’on peut se représenter partout de petits hommes, qui sont les véritables agents de l’activité entière, « Monsieur le pasteur, il y a pourtant un cheval là dedans ! » s’écrièrent les paysans de X…, après que leur chef spirituel eut passé des heures à leur expliquer la structure d’une locomotive. Avec un cheval dans la machine, tout est clair, lors même que le cheval serait d’une nature un peu étrange. Quant au cheval, on n’a plus besoin de l’expliquer.

La phrénologie prend son élan pour franchir le point de vue du fantôme de l’âme, mais elle n’obtient d’autre résultat que de peupler de fantômes le crâne tout entier. Elle retombe au point de vue naïf, qui ne peut jamais se rassurer, à moins que dans l’ingénieuse machine de notre corps’ne réside un machiniste, qui dirige tout ; un virtuose, qui joue de cet instrument. Un homme qui, pendant toute sa vie, a regardé avec étonnement une locomotive sans en avoir une idée, pourrait bien croire que dans le cylindre doit être cachée une petite machine à vapeur, qui fait monter et descendre le piston.

Était-ce bien la peine de parler ainsi au long de cette phrénologie si anti-scientifique, pour ne rien gagner, si ce n’est un nouvel exemple de cette « irrésistible tendance à la personnification », tendance connue depuis fort longtemps et qui nous a fourni toute cette troupe de facultés intellec-