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Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/374

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expérience extrêmement remarquable, qu’en ménageant avec soin les couches optiques et les autres régions du cerveau, à l’exception des hémisphères, la faculté visuelle des pigeons est conservée en partie. Que l’on prenne maintenant un écrivain quelconque, plein d’esprit, qu’on le prive de la vue et de l’ouïe, qu’on lui paralyse la langue et qu’on lui donne en outre une fièvre modérée ou une ivresse permanente on lui laissera le cerveau et, malgré cela, nous en sommes convaincus, il ne fournira pas grandes preuves de ses facultés supérieures d’esprit. Que peut-on alors attendre d’une poule mutilée ?

Les dernières études faites sur le cerveau, desquelles nous allons bientôt nous occuper, assurent au cerveau un rôle prépondérant, sous un tout autre rapport. Il n’apparaît pas ici comme une « âme » ni comme un organe produisant, d’une manière incompréhensible, l’« intelligence et la « volonté », mais comme l’organe qui donne naissance aux combinaisons les plus compliquées de la sensation et du mouvement. Ce n’est pas la « volonté » comme telle qui y est produite, c’est un effet entièrement semblable aux réflexes, seulement d’une composition plus variée et déterminée par des impulsions plus variées, provenant d’autres parties du cerveau. Le cerveau n’enfante pas d’abstraction psychologique, devant seulement ensuite se transformer en action concrète ; il donne l’action concrète, de même que dans le réflexe, comme conséquence immédiate de l’état du cerveau et des excitations qui se meuvent dans les différentes voies. On n’enlève donc pas pièce par pièce l’ « âme » à la poule, mais le scalpel détruit un appareil de combinaisons formé uniquement de molécules discrètes ayant le rôle le plus varié et le mieux déterminé. Le caractère individuel de l’animal, son originalité vivante continuent de subsister jusqu’à ce que le dernier souffle de vie soit éteint. Mais la conscience se rattache-t-elle exclusivement aux fonctions de l’appareil cérébral ? c’est ce qui reste toujours en question (voir la note 27).