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Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/436

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que des indications sur le nombre et la nature des crimes et des procès, sur la multiplication des cas de suicide ou des naissances illégitimes, sur les progrès de l’instruction, des productions littéraires, etc., etc. En combinant habilement les valeurs à comparer entre elles, on devra tirer des thèses favorites de la statistique morale tout autant de conclusions que des tableaux du commerce et de la navigation, des relevés des transports de personnes et de denrées par les chemins de fer, des moyennes des récoltes et de l’élevage des bestiaux, des résultats des partages de succession, du nombre des mariages, etc., etc. Par contre, on a souvent conclu trop vite en s’appuyant sur ces données de la statistique morale, et l’on a oublié de tenir compte de la diversité des circonstances et des motifs, ou bien l’on a trop considéré l’homme au point de vue d’une psychologie surannée. Un homme d’ailleurs éminent, Quételet, notamment, a répandu beaucoup d’idées fausses par sa malheureuse expression de « penchant vers le crime », quoique lui-même n’emploie cette expression que pour indiquer, par un nom assez indifférent, une idée mathématique irréprochable en soi. Moins on peut considérer une vraisemblance quelconque obtenue par l’abstraction comme la propriété objective d’une chose particulière appartenant à la classe à laquelle on a appliqué l’abstraction, moins on peut songer à découvrir, par le simple résultat d’un calcul de probabilité, un penchant vers le crime, penchant qui aurait une importance psychologique comme facteur réel des actes humains. Or le penchant vers le crime, vers le suicide ou le mariage, et d’autres faits statistiques de ce genre n’ont été que trop souvent pris à la lettre, et de la régularité remarquable des chiffres revenant tous les ans, on a déduit un fatalisme, pour le moins aussi étrange que la tentative faite par Quételet pour sauver le libre arbitre, en même temps qu’il maintenait la régularité de la loi. Car Quételet fait agir encore comme une cause accidentelle dont l’action tantôt positive, tantôt négative se