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Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/452

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rition et autres personnes, ou de recherches anatomiques. Müller n’aurait jamais pu retomber dans cette confusion s’il n’eût été ébloui par les concepts de sujet et d’objet empruntés à la philosophie de la nature. Il dit en effet, dans un chapitre précédent, que placer au dehors ce qui est vu n’est autre chose que distinguer ce qui est vu d’avec le sujet, distinguer ce qui est senti d’avec le moi qui sent ».

Ueberweg a donc eu le grand mérite de remettre en lumière la remarque de Müller, négligée à tort, sur le redressement des images, ainsi que d’élucider complètement les rapports de l’image du corps avec les autres images du monde extérieur (61 bis). À cet effet, Ueberweg emploie une intéressante comparaison. La plaque d’une chambre obscure devient, comme la statue de Condillac, douée de vie et de conscience ; ses images sont ses représentations. Elle ne peut pas plus figurer sa propre image sur la plaque que notre œil sa propre image sur la rétine. Mais la chambre pourrait avoir des parties saillantes, des additions analogues à des membres, lesquelles se refléteraient sur la plaque et deviendraient une représentation. Elle peut refléter d’autres êtres, des êtres semblables ; elle peut comparer, abstraire, et finir ainsi par se former une représentation d’elle même. Cette représentation prendra ensuite une place quelconque sur la plaque, soit au point où les membres saillants ont coutume de se mirer, soit au point d’où ces membres semblent faire saillie. Ueberweg a démontré avec une clarté exemplaire qu’il ne peut nullement être question d’une projection vers le dehors, précisément parce que les images sont en dehors de l’image, absolument comme nous sommes forcés de nous figurer les objets déterminants situés en dehors de notre corps objectif.

Une conséquence de la théorie d’Ueberweg est que l’espace que nous voyons n’est que l’espace de notre conscience, et ici nous laissons de côté pour un moment la question de savoir si la rétine est elle-même le sensorium de ces images visuelles