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Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/454

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Dans un bon diorama, l’illusion ne laisse rien à désirer pour la perspective de l’image. Je vois devant moi le lac des Quatre Cantons et j’aperçois les têtes gigantesques, bien connues, des montagnes riveraines et les sommets nébuleux du lointain, avec le sentiment complet de la distance et du grandiose de cette puissante scène de la nature ; et je sais pourtant que je me trouve à Cologne, 5 rue du Loup, dans une maison où il n’y a certes pas de place pour de pareilles distances. J’entends sonner la petite cloche de la chapelle et je fais concorder ce son et cette image avec l’ensemble harmonieux de cette impression calme et solennelle, dont j’ai si souvent joui dans la nature.

Maintenant je suppose que le moi, la conscience ou quelque autre être imaginaire réside dans l’intérieur de mon crâne et considère l’image rétinienne, peu importe à travers quel milieu, comme l’image d’un diorama offrant la plus belle perspective ; cette image rétinienne est en même temps animée, comme l’image de la chambre obscure. L’être que j’imagine est très-attentif à sa contemplation ; à part cette image, il est incapable d’une autre vision quelconque ; il ne voit rien de son propre être, ni même du milieu par lequel il voit. Mais ce même être imaginaire est susceptible d’autres impressions ; il entend, il sent, etc. — Qu’arrivera-t-il ? — Le son se fondra aisément avec l’image fournie par la vision. Si une petite cloche se meut dans l’image en quelque harmonie avec le son convenable, l’association sera bientôt complète. De soi-même notre être, en tant que spectateur et auditeur, ne peut, ainsi, rien apprendre.

Nous allons plus loin. Notre être éprouvera aussi des sensations, mais la sensation elle-même ne lui donnera que des représentations périphériques, rien de sa propre situation à lui-même ni de son entourage immédiat dans le crâne. Maintenant supposons que, dans son diorama, il aperçoive une forme dont les mouvements soient en pleine harmonie avec ses propres sensations, dont les membres tressaillent quand il