Aller au contenu

Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/476

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cher en avant, quoique en réalité il n’existe pas d’êtres, qui obéissent exclusive mentaux impulsions d’un égoïsme calculant tout et qui le suivent avec une mobilité absolue, libres de tout mouvement, de toute influence contraires, provenant d’autres qualités. À dire vrai, l’abstraction, dans l’économie politique de l’égoïsme, est bien plus forte que dans une autre science quelconque connue jusqu’ici, les influences contraires de la paresse et de l’habitude, de la sympathie et du dévouement à l’intérêt général ayant une haute importance. Cependant on peut hardiment se lancer dans l’abstraction, tant qu’elle reste comme telle dans la conscience. Car, une fois que l’on aura trouvé comment ces atomes mobiles d’une société vouée à l’égoïsme, que l’on admet hypothétiquement, devraient se comporter conformément à la supposition, on aura obtenu non-seulement une fiction par elle-même exempte de contradictions, mais encore une connaissance exacte d’une face de l’essence humaine et d’un élément qui joue un rôle très-considérable dans la société et surtout dans les relations commerciales. On pourrait du moins connaître comment l’homme se comporte, en tant que les conditions de sa conduite répondent à cette prévision, encore que ce ne doive jamais être complètement le cas (2).

Le matérialisme, sur le terrain de l’économie politique, consiste précisément en ce que cette abstraction est confondue avec la réalité, et cette confusion s’est opérée sous l’influence d’une prédominance monstrueuse des intérêts matériels. Les pères de l’économie politique en Angleterre partirent, pour la plupart, de points de vue éminemment pratiques, le mot « pratique » n’étant pas pris dans le sens que lui attribuaient les anciens Grecs, chez qui agir promptement en vertu de principes moraux et politiques méritait avant tout cette épithète honorable. Le caractère de ces temps-là faisait chercher le but de toutes les actions dans les intérêts de l’individu. Le point de vue « pratique », en économie politique, est celui d’un homme qui met ses propres intérêts avant toute chose