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Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/517

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dans le cercle des dogmes chrétiens, de la damnation universelle du genre humain et des peines éternelles de l’enfer, c’est cette doctrine qui, en comprimant les esprits et en développant l’arrogance des prêtres, a entraîne des maux sans nombre pour les nations modernes. Le droit de lier et de délier, dont jouissait l’Église, devint la pierre angulaire de la hiérarchie, et la hiérarchie, sous toutes ses formes et avec toutes ses gradations, devint le ftéau des nations modernes. Même là où elle était brisée en apparence, l’ambition resta la passion prédominante du clergé, considéré comme caste, et ce n’est qu’avec trop de succès que les riches ressources des idées religieuses et des traditions ecclésiastiques furent utilisées pour enchaîner l’esprit au point de le rendre insensible à toute action immédiate des grandes pensées. Ainsi le christianisme historique creusa un abîme entre un petit nombre d’esprits d’élite et vraiment libres d’une part et la masse abrutie et opprimée, de l’autre. C’est dans le domaine spirituel, le même phénomène qu’a produit l’industrialisme dans le domaine matériel et cette scission dans la vie nationale est, ici comme là, la cause du grand malaise de l’époque actuelle.

Ce qui caractérise une religion, sous le rapport moral, est moins sa doctrine que la forme, sous laquelle elle cherche à faire triompher cette doctrine. La morale du matérialisme reste indifférente à la forme sous laquelle ses doctrines trouvent créance ; il s’en tient à la matière, au contenu’de chaque élément individuel, non à la manière dont les doctrines constituent un tout d’un caractère moral déterminé. Cela ressort surtout dans la morale des intérêts, laquelle, d’après le jugement le plus favorable, est une casuistique qui nous enseigne à préférer l’intérêt durable à l’intérêt éphémère et ce qui a de l’importance à ce qui en manque. Si donc, comme on l’a tenté souvent, on fait découler de l’égoïsme toutes les vertus, non-seulement on s’érige en sophiste, mais encore on reste froid et ennuyeux. Cependant la morale aussi, fondée sur le principe de l’amour naturel