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Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/520

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chez des peuples à notions encore grossières et à rites parfois effroyables. Avec le progrès de la culture, les représentations des dieux se perfectionnent, et nous voyons des divinités, qui primitivement personnifiaient une force de la nature terrible ou bienfaisante, prendre peu à peu une signification morale plus précise. Ainsi nous pouvons, dans la période classique de l’antique Hellade, découvrir simultanément les traces de la signification naturaliste que les dieux avaient primitivement à côté de leur signification morale ; et, parallèlement à ces deux caractères, il nous est facile d’observer la dégénération qui se produisit dans la grossière superstition du peuple, et se manifestait dans les pratiques journalières du culte beaucoup plus que nous ne saurions le conjecturer, d’après les splendides traditions de la poésie et de la plastiqué grecques. Ainsi la religion peut simultanément contribuer au progrès moral et sanctifier des horreurs, pendant que, répondant au caractère du peuple, elle déploie, sous des formes originales, les images variées d’un monde idéal.

Dans les créations de la pensée humaine se répète l’antique problème des rapports du tout à ses parties. Le matérialisme ne pourra jamais renoncer à résoudre les formes spirituelles de la religion en leurs éléments, de même qu’il ramène le monde des corps aux atomes. L’imagination, la crainte, de faux raisonnements constituent pour lui la religion, qui est le produit de ces causes distinctes, et, s’il lui attribue une action morale, il la ramènera, par des transitions, de la morale naturelle aux idées surnaturelles. Quand nous voyons, pour le bien comme pour le mal, la religion exercer souvent une influence étonnante sur les hommes, entraînant, au moyen âge, des milliers d’enfants à une croisade et forçant, de nos jours, par des combats et des privations, les Mormons à se réfugier dans le désert du lac Salé ; te mahométisme transformer des nations avec la rapidité d’une flamme éclatante et mettre des continents en ébulli-