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Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/543

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les forces pour la lutte en faveur des hautes aspirations de l’humanité, est complètement différent de tout ce que nous sommes habitués à appeler religion. Dans les grands hommes, nous ne célébrons pas des dieux, à la puissance desquels nous nous sentons assujettis, mais de magnifiques fleurs et fruits d’un arbre dont nous aussi faisons partie. Même l’incontestable dépendance de nos pensées et de nos sensations relativement aux formes que les grands génies des temps passés ont marquées de leur sceau, n’est pas conçue dans le sens d’une soumission religieuse, mais comme un joyeux hommage rendu aux sources vitales auxquelles nous puisons, sources qui ne cessent de jaillir et qui promettent de répandre toujours une vie nouvelle et luxuriante (20).

Il paraît, d’après cela, que le matérialisme théorique non seulement procède de la façon la plus conséquente, mais encore vise au but relativement le plus avantageux pour l’avenir spirituel de l’humanité, lorsqu’il rejette absolument la religion et abandonne la défense de la morale et de l’humanité, en partie à l’État, en partie aux efforts individuels. Un grand nombre des fonctions qui sont aujourd’hui dévolues à l’Église, passerait dès lors à l’école ; mais on devra se garder de laisser celle-ci s’ériger en institution exclusive, guidant l’humanité et se posant, pour ainsi dire, comme l’héritière de l’Église. Il n’en résulterait qu’une nouvelle prêtraille (Pfaffenthum). C’est uniquement comme organe de l’État et comme libre entreprise de cercles sociaux ayant conscience de ce qu’ils veulent, que l’école peut prendre un développement qui contribuera à faire progresser la véritable instruction et la vraie moralité, sans amener avec elle les dangers de l’autorité de caste hiérarchique et de l’ambitieuse politique de corporation.

Mais on se demande ensuite si la dernière conséquence du matérialisme théorique ne conduirait pas plus loin encore, ne ferait pas rejeter toutes les aspirations morales de l’État, et ne tendrait pas vers un atomisme social, dans lequel