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Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/582

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Tel apparaît l’univers au philosophe optimiste. Il vante l’harmonie que lui-même y a introduite. Contrairement à lui, le pessimiste a raison dans mille cas ; et cependant il n’existerait pas de pessimisme, sans l’image idéale naturelle de l’univers, que nous portons en nous. C’est seulement le contraste avec cette image idéale qui fait la réalité mauvaise.

Plus la synthèse a de liberté d’action, plus la conception de l’univers devient esthétique, plus cette conception réagit moralement sur tous nos actes. Comme la poésie, la spéculation aussi, quoique n’ayant d’autre but apparent que la connaissance, est guidée par des vues essentiellement esthétiques et éthiques en vertu de la force éducatrice du beau. Dans ce sens, on pourrait assurément dire, avec Strauss, que toute philosophie véritable est nécessairement optimiste. Mais la philosophie est plus qu’une spéculation qui se borne à faire de la poésie. Elle embrasse aussi la logique, la critique, la théorie de la connaissance.

On peut appeler inférieures, prises une à une, les fonctions des sens et de l’entendement, qui nous donnent la réalité, comparativement au vol sublime de l’esprit dans les libres créations de l’art ; mais, dans leur ensemble et dans leur connexion, ces fonctions ne se laissent subordonner à aucune autre activité intellectuelle. Encore que notre réalité ne soit guère conforme aux désirs de notre cœur, elle n’en est pas moins le fondement solide de toute notre existence intellectuelle. L’individu se développe sur le sol préparé par le genre, et la connaissance universelle et nécessaire forme la base unique et sûre d’où l’individu s’élève jusqu’à une conception esthétique de l’univers. Si cette base est négligée, la spéculation ne peut plus devenir typique ni pleine d’importance, elle se perd dans le fantastique, dans le caprice subjectif et dans l’insignifiante puérile. Mais avant tout, la conception la plus exacte de la réalité est le fondement complet de la vie quotidienne, la condition nécessaire de la sociabilité humaine. La communauté du