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Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/584

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recherche, toutefois, fut poussée jusqu’à des conceptions de plus en plus simples et enfin obligée de s’arrêter aux principes de la conception mécanique de l’univers.

Toute falsification de la réalité attaque les fondements de notre existence spirituelle. En face des fictions métaphysiques qui ont la prétention de pénétrer dans l’essence de la nature et de déterminer, d’après de simples concepts, ce que l’expérience peut seule nous apprendre, le matérialisme est donc, comme contre-poids, un véritable bienfait. De plus, tous les systèmes philosophiques, qui tendent à n’accorder de la valeur qu’au réel, doivent nécessairement converger vers le matérialisme. En revanche, ce dernier est absolument étranger aux plus hautes fonctions du libre esprit humain. Il est, abstraction faite de son insuffisance théorique, pauvre en stimulants, stérile pour l’art et la science, indifférent ou penchant vers l’égoïsme dans les relations d’homme à homme. Il peut à peine joindre le dernier anneau au premier de son système, sans faire d’emprunt à l’idéalisme.

Si l’on examine de quelle manière Strauss décore son univers, afin de pouvoir l’adorer, on en vient à penser qu’à proprement parler il ne s’est pas encore beaucoup éloigné du déisme. Il semble que c’est presque affaire de goût d’adorer le masculin « Dieu », le féminin « Nature » ou le neutre (en allemand) « All » « Tout ». Les sentiments sont les mêmes et la façon de représenter l’objet qui inspire ces sentiments ne diffère pas essentiellement. En théorie, ce Dieu n’est plus certes un être personnel, et dans les élévations enthousiastes de l’âme, le Tout est aussi traité comme une personne.

C’est là une conclusion que ne saurait légitimer la science de la nature. Toute science de la nature est analytique et s’arrête au particulier. Une découverte isolée nous réjouit ; la méthode nous force d’admirer et par la série continue des découvertes notre regard est conduit vers le lointain infini d’une science de plus en plus parfaite. Mais nous quittons