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Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/589

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tons, sauvages, mais pleins de vigueur. L’homme cherche la vérité du réel et aime à étendre ses connaissances, tant qu’il se sent libre. Enchaînez-le à ce que l’on peut atteindre par les sens et l’entendement, il se révoltera et donnera peut-être à la liberté de son imagination et de son esprit des formes plus grossières que celles que l’on aura heureusement détruites.

Tant que l’on cherchait l’essence de la religion dans certaines théories sur Dieu, l’âme humaine, la création et l’ordre de l’univers, il s’ensuivait nécessairement que toute critique qui commençait logiquement par vanner le froment aboutissait finalement à une négation complète. On tamisait tant qu’à la fin il ne restait plus rien.

Si l’on voit au contraire l’essence de la religion dans l’élévation des âmes au-dessus du réel et dans la création d’une patrie des esprits, les formes les plus épurées pourront encore donner essentiellement lieu aux mêmes processus psychiques que la foi du charbonnier chez la foule ignorante, et malgré le raffinement philosophique des idées, on ne descendra jamais à zéro. Un modèle achevé du genre est la manière dont Schiller, dans son « Royaume des ombres », a généralisé la théorie chrétienne de la rédemption par l’idée d’une rédemption esthétique. L’élévation de l’esprit dans la foi devient ici une fuite vers le pays des pensées de la beauté, dans lequel tout travail trouve son repos, toute lutte sa paix et tout besoin sa satisfaction. Mais le cœur, qu’effraye la terrible puissance de la loi, à laquelle aucun mortel ne peut résister, s’ouvre à la volonté divine qu’il reconnaît pour la véritable essence de sa propre volonté et se trouve ainsi réconcilié avec la divinité. Encore que ces moments d’élévation soient de courte durée, ils agissent pourtant sur l’âme en la délivrant et en l’épurant, et dans le lointain nous entrevoyons la félicité finale que personne ne peut plus nous enlever et qui est représentée sous l’image d’tlercule montant au ciel. — Ce poème est le produit d’un temps et d’un milieu