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Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/591

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sages et même vaguement pressenti par le peuple, comment, en Grèce et à Rome, poëtes et sculpteurs auraient-ils osé donner de la vie au mythe et de nouvelles formes à l’idéal de la divinité ? Même le catholicisme, en apparence si rigide, ne faisait, au fond, du dogme qu’un puissant crampon pour empêcher le gigantesque édifice unitaire de l’Église de s’écrouler, tandis que le poëte dans la légende, le philosophe dans les profondes et audacieuses spéculations de la scolastique, maniaient à leur gré la matière religieuse. Jamais, certes, jamais, depuis que le monde existe, les gens qui pouvaient s’élever au-dessus de la plus grossière superstition, n’ont tenu un dogme religieux pour aussi vrai qu’une connaissance acquise par les sens, le résultat d’une opération d’arithmétique ou une simple conclusion de l’entendement encore que jamais peut-être jusqu’aux temps modernes n’ait régné une clarté complète sur le rapport de ces « vérités éternelles » aux invariables fonctions des sens et de l’entendement. On peut toujours découvrir, dans les discours ou dans les écrits des orthodoxes les plus zélés, le point où ils entrent manifestement dans l’interprétation symbolique des dogmes et où ils reproduisent, sous des formes plastiques, le développement Subjectif que l’idée religieuse a pris chez eux, avec les mêmes expressions, avec les mêmes couleurs vives sous lesquelles ils savent dépeindre d’une manière si sensible et si palpable les doctrines relativement objectives, admises par une grande communauté et regardées comme inattaquables pour les individus. Si ces vérités de l’enseignement général de l’Église sont célébrées comme « supérieures » toutes les autres, même à celles qui résultent de l’emploi de la table de multiplication, il subsiste toujours du moins un pressentiment que cette supériorité ne repose pas sur une plus grande certitude, mais sur un plus grand respect or ce respect ne peut être entamé ni par la logique, ni par la main qui palpe, ni par l’œil qui voit, parce que pour ce respect l’idée, comme forme et essence