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Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/597

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tribua principalement, par Schleiermacher et Hegel, a favoriser une tendance qui, délaissée par la naïve innocence de l’ancienne mystique, s’efforçait de sauver la religion par la négation de la négation. Ce qui protégeait les dogmes de la religion contre la dent de la critique, dans les temps où s’élevaient les cathédrales, où naissaient les puissantes mélodies du culte, ce n’étaient pas les répliques de prudents apologistes, mais le saint respect avec lequel l’âme admettait les mystères et la pieuse frayeur avec laquelle le croyant évitait, dans son for intérieur, de toucher à la limite où vérité et fiction se séparent. Cette pieuse frayeur n’est pas la conséquence des paralogismes qui font admettre le supra-sensible, elle en est plutôt la cause, et peut-être que ce rapport de cause à effet remonte jusqu’aux temps les plus anciens où la culture et les religions n’étaient pas développées. Épicure lui-même, à côté de la crainte, n’admettait-il pas les formes sublimes des dieux, vues en rêve, au nombre des sources de la religion ?

Que deviendront les « vérités » de la religion, lorsque toute piété aura disparu, lors qu’aura surgi une génération qui ne connut jamais les émotions profondes de la vie religieuse ou qui s’en éloigna après avoir changé de sentiments ? Le moindre jeune sot ridiculise les mystères et regarde du haut de son mépris suffisant ceux qui peuvent encore croire a de pareilles absurdités. Tant que la religion conserve sa pleine autorité, ce ne sont pas ses dogmes les plus étranges que l’on révoque les premiers en doute. Des critiques théologiens s’efforcent de déployer la plus grande sagacité et l’érudition la plus étendue pour rectifier la tradition sur un point quelconque, encore fort éloigné des principes fondamentaux de la foi. Des physiciens trouvent l’occasion de ramener quelque miracle distinct à un phénomène expliqué par la physique. Sur ces points-là, on creuse davantage, et, lorsque tous les moyens d’attaque et de défense sont épuisés, c’en est fait généralement de l’auréole de véné-