que nous disons que la proposition de Kant est déjà justifiée par le
simple fait que l’on « n’a pas l’habitude de procéder ainsi », nous donnons
sans doute aussi à entendre que la différence entre les jugements
analytiques et les jugements synthétiques est relative, que par conséquent
un seul et même jugement peut être analytique ou synthétique
suivant l’organisation et l’ensemble des idées du sujet qui juge. On ne
peut toutefois, par aucune élaboration scientifique de l’idée de nombre,
supprimer l’élément synthétique de l’arithmétique ; on ne peut que le
déplacer ou le réduire plus ou moins. Mais Kant est dans l’erreur
lorsqu’il croit que l’arithmétique renferme un nombre infini de pareilles
propositions synthétiques (qu’il nomme pour cette raison, non
axiomes, mais formules numériques). Le nombre de ces propositions
dépend, au contraire, du système numérique, la synthèse de trois
dizaines et de deux dizaines étant absolument la même fonction que
celle de trois cailloux et de deux cailloux. — Kant a prétendu, il est
vrai[1], que la nature synthétique de nombres considérables se manifeste
avec une évidence particulière, attendu que nous pourrions ici
tourner et retourner les idées à volonté, tandis que, si nous ne recourions
pas à l’intuition, nous ne trouverions jamais le total, en nous contentant
d’analyser les idées. À cette assertion Hankel[2] oppose une assertion
absolument contraire. On peut bien établir à l’aide des doigts que
2 x 2 = 4 ; mais on tenterait vainement de démontrer de même que
1 000 x 1 000 = 1 000 000. Cette dernière assertion est incontestablement
exacte, tandis que la partie négative de d’assertion de Kant ne permet
guère de comprendre au juste ce que l’on entend par nombre. En
réalité, les opérations faites sur des nombres considérables ne dérivent
directement ni de l’idée ni de l’intuition, mais sont généralement effectuées
d’après le système de la division en opérations partielles, qui
sert de base aux systèmes numériques et qui a trouvé dans le système
des chiffres arabes son expression écrite parfaitement adéquate. Dans
la vie quotidienne, nous nous contentons de l’intuition de ces signes et
cela dans la série des opérations partielles. Mill a très-bien prouvé que
l’intuition des signes peut remplacer celle des choses[3]. D’ordinaire
nous procédons d’une manière purement mécanique dans la série de ces
opérations partielles ; mais les règles de ce mécanisme sont réduites
scientifiquement à l’aide de la proposition (apriorique, appelée par Mill
« inductive »), en vertu de laquelle de l’homogène ajouté à de l’homogène
donne de l’homogène. À l’aide de la même proposition la science
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