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Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/635

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tions poétiques, a consacré un dithyrambe à la chose en soi et l’a fait précéder d’une polémique prolixe, mais pas très-claire. Ne rappelons pas ici que Büchner s’est complètement mépris sur la proposition de Kant : nos concepts ne se règlent pas sur les objets, mais les objets se règlent sur nos concepts. Celui qui ne trouvera pas, dans notre chapitre sur Kant, les données nécessaires pour comprendre cette proposition, ne les trouvera pas davantage dans la nouvelle dissertation que nous insérons dans cette note-ci. — Büchner essaie d’abord de ramener la différence entre la chose en soi et le phénomène à l’ancienne différence des qualités primaires et des qualités secondaires, mais il n’ose déduire la seule conséquence exacte du matérialisme, à savoir que les atomes en mouvement sont la « chose en soi ». L’importance de la physiologie des organes des sens pour cette question est traitée d’une manière superficielle par Büchner, qui ne s’occupe nullement du côté scientifique de cette question il l’expédie avec la même étourderie dont on fait souvent preuve à l’endroit du matérialisme, en disant que l’on connaît depuis longtemps le point principal. Ce que l’état actuel de la science permet de faire pour raviver et approfondir une pensée générale, qui a déjà fait son apparition jadis, Büchner l’accentue de la manière la plus vive toutes les fois que cela se prête à ses vues, mais il le laisse complètement de côté pour peu que son système doive y rencontrer des difficultés. — Nous n’avons pas besoin que Büchner nous apprenne que la « chose en soi » de Kant est une « nouvelle chose intelligible », « irreprésentable », « inconnaissable », etc. Mais « inimaginable » est tout autre chose, bien que, d’une haleine, Büchner associe cette épithète aux précédentes. Or il déclare la chose en soi inimaginable, « parce que toutes les choses n’existent que les unes par rapport autres et ne signifient rien sans relations réciproques. » Mais quand ces « relations » d’une chose à l’homme sont les propriétés, perçues par nous, de cette chose (et que seraient-elles sans cela ?), cette proposition n’équivaut-elle pas à affirmer la « chose en soi » ? Il se peut que la chose, qui n’a aucune relation, ne signifie rien, comme l’admet Büchner, d’accord avec l’idéalisme dogmatique ; alors encore cependant elle est, imaginée comme principe de toutes ses relations réelles à différentes autres choses, autre chose que la simple relation à nous, que perçoit notre conscience. Or cette dernière relation est seule ce que le langage vulgaire appelle « la chose » (das Ding) et ce que, d’autre part, la philosophie critique nomme « le phénomène » (die Erscheinung). Plus loin, Büchner laisse entrevoir, par la manière dont il ramène la subjectivité des perceptions sensorielles à chacune des illusions des sens, qu’il ne s’est pas encore suffisamment familiarisé, sur ce terrain, avec le matériel empirique. Il promet de